« La tendance la plus profonde de toute activité humaine est
la marche vers l’équilibre. »
Jean Piaget avec les élèves de l’Institut Rousseau à Excenevex (France), en juillet 1921
Le voyage est une composante irréductible de la vie et de la carrière de Jean Piaget, loin de l’image d’un savant retiré dans son cabinet. Excursions malacologiques, voyages pour donner une conférence, vacances passées en montagne à marcher et à rédiger des ouvrages, les déplacements sont restés les meilleurs amis de la conservation. Petites fenêtres sur un grand voyageur méconnu.
Les voyages de Jean
Saint-Cast (Bretagne)
Lors de ses vacances dans la famille maternelle Jackson en Bretagne, le petit Jean ne perd pas une occasion pour explorer sa curiosité scientifique : entre jeu et dragage de la mer pour recueillir des mollusques, c’est là l’ancêtre de ses expéditions de malacologie dans les lacs des Alpes et du Jura.
Les études à Paris
En novembre 1919 Piaget débarque à Paris. Il y trouve force matière à travail et réflexion, en assistant à différents cours à la Sorbonne et dans des hôpitaux, donnés par des philosophes et des psychiatres. C’est à la fois une période de formation et d’invention. Introduit auprès du médecin Théodore Simon pour standardiser des tests, il expérimente à l’École de la Grange-aux-Belles où il développe dès septembre 1920 sa méthode clinique d’entretien avec l’enfant sur laquelle va reposer une large partie de ses publications expérimentales à venir.
À vélo en voyage de noces
Avril 1923… Jean Piaget épouse Valentine Châtenay, petite-fille du président de la Confédération helvétique Paul Cérésole. Après la célébration du mariage à Lausanne, le couple enfourche les vélos pour partir en voyage de noces en Valais.
Vacances avec
I. Meyerson
En septembre 1925, le médecin et psychologue Ignace Meyerson, fort proche des Piaget, vient passer une dizaine de jours de vacances avec eux dans un chalet à Salvan les Granges.
Rencontres internationales de Davos
A la fin des années 1920, pour lutter contre les tensions montantes en Europe, des intellectuels organisent un cycle de conférences à Davos en Suisse dans un but de rapprochement franco-allemand. Jean et Valentine Piaget y participent en mars 1928 et rencontrent nombre de penseurs et de savants français et allemands, ainsi qu’Einstein.
Au congrès de Yale
Au début septembre 1929, Piaget inaugure son premier voyage intercontinental par bateau transatlantique. Il se rend au 9e Congrès international de psychologie de Yale, où il rencontre nombre de psychologues tels que Charlotte Bühler, Kate Wolf, Kurt Lewin, Arnold Gesell ou encore Alexandre Luria, qui lui recommande Vygotski.
Vacances en famille
De 1925 à 1940, la famille Piaget part se ressourcer en montagne durant les vacances. Noël 1929 se passe ainsi à Lens sur Granges dans le Valais.
Piaget marchant sur un chemin enneigé avec Lucienne (à gauche) et Jacqueline (à droite).
Mars 1935, la Plaine-aux-Rocailles. De g. à dr., Pierre Bovet, X, Edouard Claparède, X, Valentine Piaget, Jean Piaget, Alina Szeminska.
Une excursion de l’Amicale de l’Institut Rousseau
Dès son entrée à l’Institut Jean-Jacques Rousseau des sciences de l’éducation en octobre 1921, Piaget participe de plein pied à la vie de l’Institut. Laquelle inclut une vie sociale intense organisée par une amicale qui propose nombre de fêtes et d’excursions. Les montagnes aux alentours de Genève, les lacs y sont des points privilégiés où se nouent des relations d’amitié qui viennent fortifier les relations professionnelles entre les différents acteurs, femmes et hommes, comme entre les professeurs et les élèves de I’Institut.
Harvard
En 1936 Piaget est nominé pour un Doctorat Honoris Causa en littérature par l’Université de Harvard. Le prétexte en est l’utilisation de sa méthode clinique dans des entretiens pour la psychologie industrielle. Il s’y rend en compagnie de son épouse Valentine Piaget, photographiés ici à leur arrivée.
Probablement avec un représentant de Harvard (à g.), un ancien élève de l’Institut, Eugène Lerner (au centre), ainsi que son épouse, viennent accueillir Jean et Valentine Piaget à leur arrivée à Manhattan.
Paris sous l’occupation
Depuis la fin des années 1930, les sociétés françaises de psychologie et de philosophie veulent entendre Piaget. Après divers échecs, Henri Piéron l’invite au Collège de France. Piaget s’y rend en catimini en mai 1942, observant le quotidien d’une capitale transformée par l’occupant. Il y retrouve nombre d’amis et donne une série de conférences qui seront publiées en 1947 dans le volume La psychologie de l’intelligence.
Beyrouth: UNESCO
En 1948, dans le cadre de sa mission auprès de l’UNESCO, Piaget est observateur à l’occasion de la conférence de Beyrouth. Il y noue notamment une relation d’amitié avec le premier directeur de l’UNESCO, le biologiste anglais Julian Huxley.
Congrès de Lyon
En avril 1949, Piaget est invité à Lyon par le Congrès des Institutrices d’Écoles Maternelles. Déjà habitué des voyages en France, il s’y rend pour y faire une conférence sur la notion de nombre chez l’enfant dans le cadre de l’initiation au calcul.
Rio de Janeiro
Si la réputation de l’Institut Rousseau s’est accrue sous l’influence du travail d’Hélène Antipoff au Brésil, les recherches de Piaget y trouvent aussi un écho dès les années 1920, au point que Piaget est invité en 1950 à Rio pour recevoir un Doctorat honoris causa, le premier de l’Amérique latine.
New York
Le voyage sert aussi à développer et à consolider des réseaux, par exemple pour des demandes financières. En mars 1953, la rencontre avec les administrateurs de la Fondation Rockefeller à New-York participe d’un long processus de demande de financement qui a permis de créer le Centre international d’épistémologie génétique en 1955. Cette aventure intellectuelle et multidisciplinaire durera jusqu’au décès de Piaget en 1980.
Photo de groupe, assis au milieu (de g. à dr.): Albert Michotte, Henri Piéron et Jean Piaget.
Congrès de Louvain
Depuis le début des années 1950, avec ses amis Albert Michotte et Henri Piéron, Piaget a contribué à organiser l’Association de psychologie scientifique de langue française. En juillet 1953, elle tient son deuxième congrès à Louvain, qui réunit les acteurs de la psychologie expérimentale de Belgique, de France et de Suisse.
Moscou
En 1953, la mort de Staline génère une ouverture du bloc de l’Est et l’année d’après, les autorités soviétiques envoient une délégation de psychologues au Congrès de Montréal où Piaget est nommé président de l’Union internationale de psychologie. En 1955, c’est alors une délégation composée de Piaget, Paul Fraisse et René Zazzo qui se rend à Moscou. Piaget en a rapporté quelques impressions de voyage dans un article paru dans le Bulletin international des sciences sociales, vol. 8(1956).
De g. à dr.: X, René Zazzo, Paul Fraisse, Alexis Leontiev, X, Piaget et Alexandre Luria devant l’Université Lomonossov.
Oslo
Piaget a effectué un premier voyage à Oslo en 1953 pour assister aux recherches sur la science de Arne Naess. En été 1961, il s’y rend pour la seconde fois pour recevoir un Doctorat honoris causa de l’université d’Oslo.
Ljubljana
Piaget n’hésite pas à développer des collaborations avec les pays de l’Est, ainsi la Yougoslavie où il prend part en août 1964 au Congrès international de psychologie appliquée.
Edimburgh
Les idées de Piaget ont aussi un grand intérêt pour les médecins, qui l’invitent en juillet 1966 au Sixième congrès de l’association internationale de psychiatrie infantile et des professions affiliées. Il y donne une conférence sur le développement intellectuel de l’adolescent.
Congrès de Moscou
En pleine guerre froide, l’organisation du 18e Congrès international de psychologie de Moscou par les amis de Piaget Leontiev et Luria montre que les sciences traversent les barrières politiques. Piaget y est invité d’honneur, ce pourquoi il endosse une conférence inaugurale ainsi que les conclusions du colloque.
Sassari
Invité par son ami le Prix Nobel de physiologie Daniel Bovet, Piaget intervient en mai 1967 au Congrès international sur les orientations actuelles de la recherche sur l’apprentissage et la mémoire. Il y présente les recherches faites à Genève montrant que le développement de la mémoire dépend de celui de l’intelligence, qui paraîtront en 1968.
Photo: Clark University
Worcester (USA)
La collecte des Doctorats honoris causa – plus de trente – est pratiquement toujours doublée de conférences de Piaget sur les recherches en cours à l’Institut Rousseau. Ici, réception du DHC de Clark University en 1968.
Kyoto
C’est une nouvelle consécration internationale que celle de l’invitation de Piaget au Japon en 1971, où la société japonaise de psychologie lui rend un hommage unanime. Il s’y rend en compagnie de Bärbel Inhelder et se conforme aux usages du pays. Ici, la cérémonie du thé.
Amsterdam : Prix Erasme
Parmi de nombreux prix prestigieux que Piaget a reçu durant sa longue carrière, le prix Erasme se distingue dans la mesure où il illustre sa contribution non seulement à la science, mais également à la culture européenne.
Ausserberg,
discussions au chalet
Durant l’année académique, Piaget développe une intense activité sociale, faite de cours, de rencontres, de dîners, de conférences, de suivi des étudiants et étudiantes, et d’un quotidien d’écriture. En revanche, durant les vacances, et en particulier l’été, à partir de la Seconde Guerre mondiale, il prend l’habitude de se retirer en montagne durant deux à trois mois pour travailler à son œuvre. Nombre de lettres envoyées à Genève lui parviennent à la montagne. Toutefois, le travail en solitude dans cet ermitage qu’est le chalet de Piaget à Ausserberg en Valais est agrémenté de rencontres triées sur le volet.
Piaget avec Rolando Garcia, 1975.
